CSRD : tout savoir sur les IRO

CSRD : tout savoir sur les IRO

Avec la CSRD, chaque entreprise doit identifier et évaluer ses Impacts, Risques et Opportunités (IRO) pour structurer son reporting ESG. Mais comment s’y prendre concrètement ? De l’analyse de double matérialité aux obligations de publication, cet article vous guide pas à pas dans cette nouvelle exigence réglementaire.

Matthieu Duault

Matthieu Duault

Climate Copywriter

Mise à jour :
26/2/2025
Publication :
25/2/2025

Les IRO, pour Impacts, Risques et Opportunités, sont au cœur de la méthodologie portée par la CSRD, le standard européen de rapport extra-financier. 

Les IRO ont une importance stratégique pour les entreprises, ayant une influence à court, moyen ou long terme sur la résilience de leur modèle d'affaires. Ce sont eux qui vont déterminer les informations ESG que l’entreprise va devoir dévoiler dans son rapport de durabilité. 

L’EFRAG a détaillé dans ses ESRS un processus facilitant le processus d’identification et de traitement des IRO, qui sont à la base de l’analyse de double-matérialité réalisée en amont du processus de collecte de données permettant de constituer votre rapport CSRD. 

Qu’est-ce que les IRO ? 

Dans le cadre de la CSRD, les IRO orientent l’entreprise sur les exigences de publication d'informations qu’elle devra divulguer selon ses impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) identifiés comme matériels. Elles imposent aux entreprises de rendre compte des effets de leurs activités sur la société et l'environnement et de la manière dont elles peuvent être affectées par les changements sociétaux et environnementaux, en suivant une approche de double matérialité

L'objectif sous-jacent est de favoriser la transparence et d'améliorer la prise de décision durable des entreprises et de leurs parties-prenantes. En cela, les IRO sont essentiels pour mesurer la résilience des entreprises, par exemple via leur capacité d’adaptation face aux effets du changement climatique.  

Les ESRS classent les IRO en deux grandes catégories : les impacts d’un côté et les risques et opportunités de l’autre. 

Les impacts 

Les impacts correspondent à l’ensemble des incidences que les activités de l’entreprise peuvent avoir sur l’environnement et / ou, la Société. Autrement dit, ils correspondent à la “matérialité d’impact” de l’entreprise.

Ils devront être classés selon plusieurs catégories selon qu’ils sont positifs ou négatifs, réels ou potentiels et qu'ils se manifestent à court, moyen ou long terme. 

La mesure de la gravité de chaque incidence sera fonction de 4 grands critères :  

  • l’ampleur de l’impact 
  • l’étendue de l’impact 
  • le caractère irrémédiable de l’impact 
  • la probabilité d’apparition des impacts potentiels 

Les risques et opportunités 

Les risques et opportunités correspondent aux conséquences de changements environnementaux, sociaux ou de gouvernance sur les résultats financiers de l’entreprise, que ce soit de manière directe sur ses activités opérationnelles, sa réputation, ses flux de trésorerie ou encore son accès aux financements. Dans le cadre de l’analyse de matérialité, ils correspondent à la matérialité financière. Sont pris en compte les risques et opportunités ayant des effets financiers potentiels à court, moyen ou long terme. 

A l’instar des impacts, la gravité des risques et des opportunités sera évaluée selon 2 grands critères :  

  • l’ampleur potentielle des effets financiers 
  • la probabilité d’occurrence 

Quelles sont les exigences de publication des IRO dans la CSRD ? 

La méthodologie employée pour identifier et évaluer les IRO doit être indiquée dans le cadre de la réponse à la norme ESRS 2, l’une des 2 normes transversales de la directive qui détaille les principes généraux de production de votre rapport extra-financier. Il s’agit des DR (Data Requirement ou Exigence de Publication IRO-1 et IRO-2. 

IRO-1 :  Description des procédures d’identification et d’évaluation des impacts, risques et opportunités matériels 

Dans cette exigence de publication, l’entreprise doit détailler le processus qui lui a permis d’identifier puis de mesurer la matérialité des impacts, risques et opportunités.

Elle doit indiquer : 

  • les méthodes et hypothèses employées dans le processus 
  • le processus visant à identifier, évaluer, prioriser et enfin surveiller les impacts réels ou potentiels sur l’environnement et les populations 
  • le processus visant à identifier, évaluer, prioriser et enfin surveiller les risques et opportunités pouvant avoir un impact financier sur leurs activités 
  • le processus décisionnel ainsi que les processus de contrôle internes 
  • la manière dont tout ceci est intégré dans le processus global de gestion des risques de l’entreprise et dans la stratégie globale de l’entreprise 
  • les ressources utilisées, par exemple, les sources des données et rayons d’action couverts 
  • les éventuels changements effectués dans la procédure par rapport à l’exercice mené sur la période précédente 

IRO-2 : Exigences de publication au titre des ESRS couvertes par l’état de durabilité de l’entreprise 

La norme IRO-2 doit détailler la liste des impacts, risques et opportunités pris en compte à l'issue de l’analyse de double matérialité réalisée par l’entreprise en amont de la publication de son rapport CSRD. 

Il s’agit également de pouvoir justifier la raison pour laquelle certains sujets n’ont pas été considérés comme matériels par l’organisation.

Dans le cadre de l’ESRS-E1 dédié au changement climatique, si le sujet n’est pas considéré comme matériel, une explication détaillée doit être fournie par l’organisation accompagnée d’une analyse des conditions pouvant changer cette décision.

La méthode permettant de définir les informations “matérielles” doit être détaillée ainsi que les seuils appliqués selon la grille de cotation adoptée par l’entreprise. 

Quelle est la méthodologie d’évaluation des IRO ? 

Évaluer ses Impacts, risques et opportunités est l’étape préalable à la constitution de votre rapport de durabilité. Dans le cadre de la CSRD, la méthodologie à adopter est détaillée dans la norme transverse ESRS 1.

Etape 1 : Identifier les IRO 

Les IRO doivent être identifiés au sein des activités propres ainsi que sur la chaîne de valeur, amont et aval, y compris auprès des parties prenantes n’ayant pas de relations directes, contractuelles ou commerciales avec l’entreprise. Ainsi l’impact des activités sur les peuples autochtones en est souvent un exemple éloquent et doit être pris en compte dans le cadre de la norme ESRS S3. 

La première étape consiste donc à formaliser de manière précise et exhaustive sa chaîne de valeur.
Il sera alors plus facile de reprendre chaque étape et d’identifier les impacts, risques, opportunités mais également les dépendances de l’entreprise qui pourraient être source d’IRO. La seconde étape consiste à identifier les différents IRO qui s’appliquent à vos activités ou à votre chaîne de valeur, qu’ils soient généraux, spécifiques à votre secteur ou à votre entreprise.

L’ESRS 1 fournit une liste de 115 enjeux catégorisés en thèmes, sous-thèmes et sous-sous thèmes pour chaque ESRS thématique (AR 16). Ces enjeux peuvent servir de base de réflexion pour l’entreprise qui pourra ensuite les compléter en s’appuyant sur un benchmark concurrentiel et des analyses d’études sectorielles ou thématiques.

A ce stade, les ESRS sectoriels n’ayant pas encore été publiés par l’EFRAG, nous vous invitons à vous inspirer des normes sectorielles produites par d’autres standards de reporting extra-financier comme celles de l’ISSB, du GRI ou du CDP, etc. 

Etape 2 : La cotation des IRO 

Une fois les IRO identifiés, l’entreprise va devoir mettre en place une échelle de cotation afin d’évaluer leur importance. Cette échelle sera déterminante pour mener ensuite son analyse de matérialité. 

L’EFRAG n’a pas imposé de système de cotation, c’est donc à l’entreprise de mettre en place son propre indice. Il est nécessaire que celui-ci soit transparent afin que chaque décision puisse être justifiée dans le cadre de l’audit CSRD qui aura lieu en amont de la publication du rapport de durabilité. 

L’entreprise devra donc construire une grille de cotation permettant d’attribuer une valeur aux différents critères pris en compte selon une échelle prédéfinie (note de 1 à 5, de 0 à 3…), pour la gravité et la probabilité d’occurrence de chaque IRO. 

Etape 3 : Réaliser son analyse de matérialité 

Votre analyse de double matérialité va venir identifier les IRO matériels qui vont ensuite définir les ESRS sur lesquelles vous devrez reporter dans votre rapport CSRD.

Pour rappel, la double matérialité prend en compte : 

  • la matérialité d’impact : il s’agit de l’impact qu’ont les activités de votre organisation sur l’environnement ou la Société 
  • la matérialité financière : il s’agit de l’impact potentiel de différents facteurs ESG sur la performance financière de votre entreprise, que ce soit positivement (opportunité) ou négativement (risque) 

Pour identifier les thématiques considérées comme matérielles pour votre organisation, vous devez vous appuyer sur votre analyse et votre cotation des différents IRO. Vous fixerez un seuil dans votre grille de cotation à partir duquel un IRO  sera considéré comme matériel. Ensuite vous regrouperez pour chaque ESRS les IRO évalués comme matériels et communiquerez selon les exigences de publication sur les informations que vous considérez comme matérielles.

Exemple de structure de la déclaration ESRS relative à la durabilité (Source : ESRS 1)


Etape 4 : Intégrer les IRO dans la stratégie d’entreprise 

L’évaluation des IRO ne sert pas uniquement à identifier les thèmes à couvrir dans votre rapport de durabilité. Ces éléments doivent être intégrés de manière proactive dans la stratégie globale de l’entreprise et être pilotés au plus haut niveau de l’organisation.

  • Fixation d’objectifs stratégiques : L’analyse des IRO permet de définir des objectifs à court, moyen et long terme, notamment pour réduire les risques identifiés et maximiser les opportunités de croissance durable. 
  • Plan d’actions concret : Des initiatives précises peuvent être déployées pour améliorer la performance ESG, telles que la décarbonation des opérations, l’amélioration des conditions sociales dans la chaîne d'approvisionnement, ou encore le renforcement de la gouvernance éthique. 
  • Communication et implication des parties prenantes : L'intégration des IRO démontre aux parties prenantes (clients, investisseurs, collaborateurs…) la maîtrise des enjeux ESG. Cela renforce leur confiance et crédibilise l'entreprise en tant qu'acteur responsable et innovant. 
  • Stratégie d’investissement et innovation : Les opportunités identifiées lors de l’analyse des IRO peuvent guider et justifier les investissements dans de nouvelles technologies, services ou marchés liés aux solutions durables. 

Etape 5 : Etablir des KPIs et effectuer un suivi des IRO 

Pour garantir une gestion dynamique et performante des IRO, il sera essentiel de définir des indicateurs clés de performance ainsi qu'un mécanisme de suivi régulier. 

La CSRD comprend 1 200 points de données à renseigner en fonction des enjeux de matérialité propres à chaque entreprise. Cela permet à l’organisation de prioriser les indicateurs les plus pertinents pour atteindre ses objectifs, d’en assurer un suivi rigoureux et de communiquer de manière transparente, en interne comme en externe, afin de démontrer la mise en œuvre de ses engagements. 

Les KPIs doivent être alignés sur les objectifs définis à l’étape précédente. Ils doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporels (SMART).  

Par exemple : 

  • Réduction des émissions de CO2 
  • Pourcentage de fournisseurs engagés dans des pratiques sociales responsables 
  • Taux de satisfaction des parties prenantes internes sur les questions ESG 
  • Fréquence des audits de conformité ESG

S’en suivra un mécanisme de suivi régulier comprenant : 

  • La collecte périodique des données sur les KPIs 
  • Une évaluation annuelle des progrès réalisés 
  • Des ajustements stratégiques en fonction des résultats et de l’évolution des risques et opportunités 

Enfin, le suivi des KPIs et des plans d’actions permettra la mise en place d’un processus d’amélioration continue.  L’entreprise réévaluera et ajustera ses objectifs en fonction des résultats obtenus et des évolutions du contexte économique, environnemental et réglementaire, en s’appuyant sur des cibles intermédiaires qui serviront de points de contrôle stratégiques. Ces étapes permettront d’identifier les écarts, d’optimiser les ressources et d’adapter les actions mises en œuvre pour garantir une progression cohérente et efficace vers les objectifs fixés.  

Les résultats obtenus devront être intégrés dans les rapports de durabilité et communiqués aux parties prenantes pour renforcer la transparence. 

Les IRO, un facteur de pérennité et de compétitivité des entreprises 

L'intégration proactive des Impacts, Risques et Opportunités dans la stratégie d'entreprise va bien au-delà d'une simple obligation réglementaire liée à la CSRD. Cette démarche constitue un véritable levier de résilience et de compétitivité sur le long terme. 

Gestion des risques 

L’anticipation des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance permet de réduire les incidents pouvant nuire à la réputation, à la conformité réglementaire ou à la continuité des opérations de l’organisation. Une entreprise capable de gérer efficacement ces risques est mieux préparée à faire face aux crises et imprévus. 

Si le coût de l’action peut sembler immédiat, il reste bien moindre que celui de l’inaction, dont les conséquences financières, réglementaires et stratégiques peuvent être bien plus lourdes à long terme. 

Adaptation aux attentes du marché 

Les investisseurs, consommateurs et partenaires sont de plus en plus sensibles aux enjeux ESG. Une prise en compte solide des IRO positionne l'entreprise comme un acteur crédible, fiable et innovant auprès de ses parties-prenantes, attirant ainsi de nouveaux investisseurs et clients responsables. 

Innovation et opportunités 

L'analyse des opportunités permet de stimuler des initiatives innovantes, telles que le développement de nouveaux produits et services, l'accès à des financements, ou encore la conquête de nouveaux marchés. 

Avantage concurrentiel 

Les entreprises qui prennent de l'avance sur les pratiques ESG grâce à une analyse rigoureuse des IRO se démarquent face à leurs concurrents. Cette démarche peut renforcer leur différenciation, notamment dans des secteurs où la pression pour la durabilité est forte, ou face à des entreprises n’ayant pas correctement anticipé les risques auxquels le marché est confronté. 

Engagement des parties prenantes internes 

L’intégration des IRO et des objectifs de durabilité favorise l’engagement des collaborateurs, qui sont de plus en plus sensibles aux valeurs d’éthique et de responsabilité des organisations. Cela peut également améliorer la fidélisation et l'attractivité de nouveaux talents. 

Dans le cadre de CSRD, elle peut davantage mobiliser les collaborateurs à contribuer à la collecte de données et à la mise en œuvre des plans d’actions menés par l’entreprise. 

Amélioration de la gouvernance 

Une bonne gestion des IRO implique des processus décisionnels plus robustes, une meilleure implication des dirigeants dans la stratégie ESG et une transparence accrue envers les parties prenantes. 

Conclusion 

L'intégration des IRO (Impacts, Risques et Opportunités) dans le cadre de la CSRD dépasse largement une simple contrainte réglementaire. Elle incarne une opportunité stratégique pour les entreprises souhaitant se positionner comme acteurs responsables et compétitifs sur le marché. 

En structurant l’identification, l’évaluation et la gestion des enjeux ESG, les IRO permettent non seulement de répondre aux exigences de transparence, mais aussi de mieux anticiper les risques, d’explorer des opportunités d’innovation et d’améliorer leur gouvernance et d’identifier factuellement les impacts (positifs et négatifs) que l’entreprise génère sur les individus de sa chaîne de valeur et sur l’environnement. 

Par une approche proactive, les entreprises peuvent renforcer leur résilience, se différencier face à leurs concurrents, attirer des investisseurs et engager leurs parties prenantes internes comme externes, tout en contribuant activement à un développement plus durable. Les organisations qui sauront intégrer les IRO dans leur stratégie auront un avantage clé pour naviguer efficacement dans un environnement économique en constante évolution.

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