Le Greenhushing chez les entreprises : ses causes, son impact et comment l'éviter

Le Greenhushing chez les entreprises : ses causes, son impact et comment l'éviter

Le greenwashing a laissé place à une nouvelle pratique : le greenhushing. Les entreprises se montrent de plus en plus discrètes sur leurs actions environnementales. Pourquoi ce silence ? En se taisant, espèrent-elles échapper aux critiques ? Quelles en sont les conséquences pour la planète et pour elles-mêmes ?

Matthieu Duault

Matthieu Duault

Climate Copywriter

Mise à jour :
22/7/2024
Publication :
18/7/2024

Depuis les années 90s et la prise de conscience plus large de la nécessité de lutter contre le changement climatique, de nombreux acteurs économiques ont mis en place des actions pour limiter leur impact sur l’environnement. Cet engagement n’a eu de cesse de s’accélérer face aux exigences de plus en plus fortes des consommateurs puis des investisseurs et des législations qui essaiment à travers le monde pour mener notre société vers une transition écologique.

Mais cette tendance a aussi mené à un greenwashing effréné provenant d’entreprises privilégiant la communication à l’action, entraînant une méfiance grandissante des consommateurs. Ce Greenwashing est désormais peu à peu remplacé par le Greenhushing, soit une volonté de la part des entreprises de se faire discrètes quant aux actions qu’elles auraient pu mener en faveur du climat.

Qu'est-ce que le Greenhushing ?

Le Greenhushing : définition

Le Greenhushing, est une nouvelle tendance qui est apparue en opposition directe avec la notion de Greenwashing. Elle caractérise les entreprises qui passent sous silence leurs efforts et résultats en matière d’environnement et les actions qu'elles ont engagé pour réduire leur impact climatique. Citée pour la première fois en 2008 dans une étude menée par le cabinet de consultants Treehugger, cette pratique s’avère de plus en plus répandue.

Régulièrement expliquée par le désir de se montrer discret face à une pseudo inaction climatique ou la crainte d’être montré du doigt par certains activistes ou ONG quant à leur empreinte carbone, les causes du Greenhushing se révèlent pourtant beaucoup plus complexes et ses conséquences néfastes.

Selon une étude menée par le cabinet de conseil SouthPole auprès de 1400 entreprises à travers le monde ayant pris des engagements pour le climat, 58% d’entre elles ont réduit les efforts de communication sur leurs objectifs climatiques et initiatives environnementales en 2023 et 18% d’entre elles ne prévoient même pas de publier les objectifs SBTi qu’elles se sont fixés.

Extrait de l’étude Destination Zero menée par South Pole (2023 / 2024)

Ce qui le différencie du greenwashing

Le Greenwashing, qui a connu ses plus belles heures dans les années 90 et 2000, consistait pour les entreprises à vanter, à grand renforts de communication, les vertus supposées écologiques de leurs produits et services ou les actions menées en faveur du climat.

Les mentions “respectueux de l’environnement” ou encore “biodégradables” se sont multipliées sur les packagings sans preuve concrète des bénéfices environnementaux ou de la véracité des faits. Une compagnie aérienne pouvait allègrement se prétendre neutre en carbone en investissant dans des programmes de crédits carbone à l’autre bout du monde, jetant par ailleurs l’opprobre sur ces projets qui se voulaient initialement vertueux.

A l’inverse, le Greenhushing pousse les entreprises à taire voire dissimuler leurs objectifs climatiques, efforts en matière d’environnement ou performances écologiques de leurs produits.

Pourquoi les entreprises basculent-elles dans le Greenhushing ?

Les raisons qui peuvent expliquer cette tendance de plus en plus forte au Greenhushing mais à défaut de résultats concrets, nous ne pouvons qu’établir des conjectures.

Des parties prenantes de plus en plus exigeantes

La question de la lutte contre le réchauffement climatique implique l’ensemble des acteurs de nos sociétés et nombre d’entre eux ont, depuis quelques années, revu leurs exigences à la hausse, notamment face à la crise climatique qui pointe le bout de son nez. 

Une étude menée par Goodvest en 2023 a pointé que 75% des français se disent méfiants vis à vis des promesses des entreprises en matière d’environnement et 72% d’entre eux souhaitent que ces promesses soient mieux régulées.

Cette défiance des consommateurs s’accompagne d’une hausse des exigences venant des investisseurs, de plus en plus regardant sur les objectifs climatiques des entreprises et ne s’appuyant que sur des données tangibles pour mener leurs analyses. 

Prudence étant mère de sûreté, les entreprises préfèrent revoir à la baisse ou se faire discrète sur leurs objectifs climatiques plutôt que de subir la défiance de parties prenantes essentielles à leur business model.

Une législation de plus en plus contraignante

Face aux communications erratiques en matière d’environnement susceptibles de tromper les consommateurs, de nouvelles législations ont vu le jour à travers le monde, régulant de manière drastique ces pratiques. Ces législations sont souvent allées de pair avec des nouvelles réglementations visant à accentuer la transparence des entreprises en matière de diffusion de données environnementales. 

La France a été pionnière en la matière avec la loi Climat et Résilience de 2021 encadrant les pratiques commerciales trompeuses en matière de promesse environnementale. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, il est interdit d’indiquer qu’un produit ou service est “neutre en carbone”, “biodégradable” ou “respectueux de l’environnement” sans preuve tangible.

Au niveau européen, une loi a été votée dans des termes similaires en janvier 2024 par la Commission européenne, interdisant toute allégation environnementale non justifiée et ne permettant pas de vanter une neutralité carbone en s’appuyant uniquement sur des processus de compensation d’émissions de gaz à effet de serre. Les Etats membres de l’UE disposent maintenant de 2 ans pour l’appliquer dans leur législation nationale. 

En parallèle, différentes loi du Pacte Vert européen ont permis d’établir des normes de divulgation des données environnementales pour s’assurer que chaque entreprise fasse preuve de transparence et ait un référentiel commun en la matière. Nous pouvons citer entre autres la CSRD, la SFDR ou encore la CSDDD.

Cette régulation, bien que nécessaire, a cependant eu comme effet pervers de pousser les entreprises à faire preuve de prudence excessive et en ce sens, a pu contribuer au Greenhushing.

Une communication risquée

La communication sur la RSE reste un sujet sensible au sein des organisations. Les entreprises manquent souvent de données claires sur les résultats de leurs actions et hésitent donc à communiquer ouvertement. Elles craignent de se retrouver exposées à des critiques virulentes, à être mises face à leurs contradictions. Le risque de “bad buzz” contrebalancerait alors les bénéfices d’une campagne de communication au détriment de leur image de marque.

Une évolution des modèles de gouvernance

Les modèles de gouvernance ont aussi pu jouer sur le passage du Greenwashing au Greenhushing. Si la RSE était autrefois largement l’apanage des services communication des entreprises, elle dispose souvent désormais d’une direction dédiée de part l’importance croissante qu’elle prend au sein des organisations .

Or, les professionnels de la RSE et en particulier des problématiques liées au carbone ne sont pas des communicants. Compte tenu des nouvelles réglementations, ces services sont le plus souvent composés d’ingénieurs, de professionnels de la donnée dont l’objectif est avant d’analyser l’existant, de se fixer des objectifs clairs et de mettre en place des actions concrètes pour réduire l’impact environnemental de leur entreprise. La communication n’est en aucun cas leur priorité et celle-ci devra se faire une fois l’ensemble des données validées. A cela s’ajoute le fait qu’encore souvent, ces services sont relativement isolés au sein des organisations, même si au cours des dernières années, ce modèle a évolué pour voir la RSE intégrer les directions générales des entreprises.

Quelles sont les conséquences du Greenhushing ?

Face au Greenwhashing, le Greenshushing semble à première vue être un moindre mal. Pourtant, certaines conséquences de cette pratique sont dommageables pour l’entreprise, ses parties-prenantes et la société de manière générale.

Une plus grande responsabilisation des entreprises

Le Greenhushing est-il une cause ou une conséquence d’une plus grande responsabilisation des entreprises ? 

Le problème est difficile à résoudre. Néanmoins, il a permis à nombre d’entre elles de mieux jauger leurs campagnes de communication responsable et de faire preuve de davantage de transparence auprès de leurs différentes parties prenantes en privilégiant l’information concrète, sourcée, bref, de qualité. Le bénéfice principal du Greenhushing reste d’avoir mis fin au Greenwashing.

Il augure ainsi d’une meilleure gestion des données environnementales par les entreprises et les contraint à se fixer des objectifs atteignables et mettre en place des plans d’actions concrets, condition sine qua non pour pouvoir à terme communiquer, si elles le souhaitent, sur celles-ci.

Mais un risque d'invisibilisation et de réduction des initiatives écologiques

Cependant, taire ses efforts en matière d’environnement a forcément des effets dommageables.

  • Les entreprises peuvent être réticentes à s’engager pour l’environnement.

En s'empêchant de communiquer sur leurs actions en faveur de l’environnement, les entreprises peuvent voir un calcul coût-bénéfice trop déséquilibré pour s’engager réellement en faveur du développement durable. La crainte de faire mal ou ou trop peu peut finalement mener à revoir ses objectifs environnementaux à la baisse voire cesser toute action. Or, la lutte contre le réchauffement climatique nécessite de s’engager sur des objectifs ambitieux et de créer un effet d’entraînement en interne, mobilisant les employés de l’entreprise.

  • Une perte de confiance et un manque d’opportunités

Une entreprise cachant ses efforts en matière de durabilité, peut susciter la méfiance de ses clients, investisseurs et autres parties prenantes. Ces derniers peuvent avoir l'impression que l'entreprise n'est pas sincère dans son engagement écologique ou qu'elle n'en fait pas suffisamment. Le premier risque est donc de créer un effet Streisand, en dissimulant les informations, une entreprisepeut au contraire devenir un centre d’attention. Le second risque est de passer à côté d’opportunités qui lui permettraient de construire un véritable avantage concurrentiel, que ce soit auprès de ses clients ou de ses potentiels investisseurs.

  • Une réduction de l’effet d’entraînement des entreprises

Communiquer sur ses initiatives durables permet généralement de créer un effet d’entraînement qui pousse les entreprises concurrentes à s’engager dans des démarches similaires. Cet effet est un moteur important du progrès vers la durabilité, car il permet de diffuser les meilleures pratiques et d'encourager un changement systémique. Le Greenhushing brise cet effet d’entraînement en privant les autres entreprises de précieuses sources d'inspiration et d'information.

Entreprises : comment éviter le greenwashing en évitant l'écueil du Greenhushing ?

Finalement, le Greenhushing est peut-être une solution de facilité pour de nombreuses entreprises. Mais ses effets pervers peuvent créer un halo négatif autour de ses activités, source de méfiance et de mécontentement pour ses parties prenantes internes et externes.

Il est pourtant possible de communiquer sur ses actions environnementales sans tomber dans le piège du Greenwashing.

Soyez sûrs de vos données carbone

Communiquer sur ses objectifs, actions et progrès en matière de lutte contre le réchauffement climatique nécessite en premier lieu de s’appuyer sur des données concrètes, fiables et vérifiables. En procédant à un processus de collecte de données environnementales année après année, vous serez en mesure de faire preuve de transparence en fournissant des informations claires et objectives à vos parties prenantes.
C’est par ailleurs l’objectif premier de la CSRD. Elle fournit un cadre et une méthodologie de reporting RSE qui harmonise les rapports extra-financiers à travers l’Union européenne et facilite ainsi leur traitement et leur comparabilité. Des outils, comme Traace, vous permettent de simplifier par ailleurs la collecte de données environnementales et de les éditer aux formats attendus par les principaux standards de reporting extra-financiers mondiaux.

Développez une vraie stratégie

En s’appuyant sur les données collectées, vous serez en mesure de mettre en place une stratégie de décarbonation et de réduction d’impact sérieuse. Il s’agira alors de vous fixer des objectifs à court, moyen et long terme, d’estimer leur faisabilité et leur coût et enfin de les mettre en œuvre. La mise en place d’une trajectoire climat fondée sur des données concrètes vous permet de communiquer de manière transparente auprès de vos parties prenantes et de renforcer leur confiance sur le sérieux de vos objectifs de réduction des émissions de carbone. C’est également un moyen de construire un avantage concurrentiel en répondant aux attentes des consommateurs et de financer vos futurs développements en rassurant les investisseurs, désormais friands de ce type d’informations.

Communiquez de façon responsable

La dernière étape consiste à communiquer de manière transparente et surtout objective. La collecte de données et la mise en place d’une trajectoire carbone vous permettent de vous engager concrètement. Inutile donc d’user de superlatifs, d’exagérer les performances environnementales de vos produits et services. Votre communication responsable doit s’appuyer sur des informations sourcées, auditées et vérifiables. C’est exactement ce qui fera la différence entre communication environnementale et Greenwashing, entre vous et la concurrence.

Conclusion

Si le Greenwhashing n’a pas totalement disparu, sa forte réduction, au gré des scandales et des législations, a été largement bénéfique. Néanmoins, le développement parallèle, et finalement assez logique, du Greenhushing a également ses effets néfastes. Le silence n’est cependant pas la meilleure solution à apporter à une mauvaise communication.

Les entreprises doivent réapprendre à communiquer sur leurs engagements environnementaux. C’est d’autant plus important que les pressions des parties prenantes à ce sujet se font de plus en plus fortes. Pour cela, des cadres et méthodes existent, permettant aux acteurs économiques de mieux communiquer.

Leur développement récent peut néanmoins laisser à penser que le Greenhushing n’est qu’une période transitoire. Ayant souvent communiqué à tort et à travers pendant des années, les entreprises doivent maintenant construire des stratégies climat ambitieuses qui s’appuient sur des données concrètes, or Rome ne s’est pas construite en un jour. Espérons que la mise en œuvre de ces trajectoires climatiques et la collecte des premiers résultats vont inciter les entreprises à communiquer de nouveau et créer cet effet d’entraînement nécessaire pour guider la société vers la neutralité carbone à l’échelle planétaire.

Sources :

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