Qu’est-ce que l’adaptation au changement climatique ?

Qu’est-ce que l’adaptation au changement climatique ?

Le réchauffement climatique dépasse désormais les +1,5°C. Les événements extrêmes s’intensifient, dévoilant les limites de nos politiques d’atténuation. Sans pour autant cesser les efforts d'atténuation, l’adaptation est devenue cruciale. Si l’atténuation vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et protéger les écosystèmes, l’adaptation doit permettre de renforcer la résilience des sociétés aux impacts climatiques. À l’échelle mondiale, des stratégies se déploient, impliquant États, entreprises et citoyens, pour assurer un avenir durable. Chaque action locale contribuant à la résilience globale.

Thomas Guyot

Thomas Guyot

Co-fondateur

Mise à jour :
27/11/2024
Publication :
25/11/2024

2024 fut la première année à passer au-dessus des +1.5C° en moyenne. Vagues de chaleur, mega feux, inondations, cyclones… tous ces événements et leur récurrence ne semblent plus étonner personne. Faute d’avoir pu s’attaquer aux causes, nous en sommes déjà à gérer les conséquences du réchauffement climatique. Mais cette barrière symbolique des 1.5C° n’est rien comparée aux dernières prévisions de l’ONU qui annonce qu’à ce rythme, nous nous dirigeons vers un scénario à +3.1C° à l’horizon 2100. Le climat futur n'aura alors plus rien à voir avec le climat actuel.

Si nos efforts pour réduire nos émissions de GES et notre impact sur les écosystèmes doivent se poursuivre et même s’accentuer, nous devons en parallèle préparer nos sociétés et nos économies à un monde à au moins +2C°. C’est ce en quoi consistent les politiques d’adaptation au changement climatique.

Atténuation climatique et adaptation climatique, quelle différence ?

Il est nécessaire en premier lieu de différencier les actions d’atténuation climatique de celle d’adaptation climatique. 

L’atténuation climatique comprend l’ensemble des actions menées pour freiner le réchauffement climatique. Cela passe essentiellement par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ainsi que la préservation et la restauration des écosystèmes permettant de capter le carbone. Ainsi les objectifs  de réduction des émissions de GES fixés dans le cadre des Accords de Paris sont le point de référence des politiques d’atténuation climatique en essayant de maintenir le réchauffement de la planète à un niveau inférieur à 2.5C.

L’adaptation au changement climatique concerne quant à elle l’ensemble des actions menées pour accentuer notre résilience et celle des écosystèmes aux conséquences du réchauffement climatique. Elle part du principe qu’il est toujours mieux de prévenir que de guérir. Cela permet à la fois de réduire les potentielles pertes humaines et de réduire les coûts financiers liés aux conséquences du réchauffement climatique.

L’atténuation et l’adaptation sont les deux piliers d’une stratégie climat efficace. Ces deux modes d’actions sont, et doivent être, complémentaires que ce soit au niveau d’un pays, d’une entreprise ou même d’un individu. Largement interdépendants, ils doivent permettre de réduire le coût humain et financier du réchauffement climatique.

Le coût de l’inaction

Selon une étude menée par l’IC4E, le coût de l’adaptation climatique représenterait, en France, environ 2.3 milliards d’euros par an, une somme qui, bien qu’élevée, reste largement en-deçà du coût financier des conséquences du réchauffement climatique.

Un rapport publié par l’ADEME en 2023 indique qu’un réchauffement de 3.5 degrés en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle pourrait coûter chaque année à la France plus de 10 points de PIB par rapport à un scénario sans réchauffement climatique, ce qui représenterait à l’heure actuelle près de 280 milliards d’euros par an. C’est ce que l’on appelle communément le coût de l’inaction climatique.

Information tout aussi intéressante, sur ces 10 points de PIB, 6 seraient dues à des catastrophes naturelles se produisant en dehors de la France mais pouvant lourdement impacter la chaîne de valeur des entreprises hexagonales. Ceci met en évidence l’absolue nécessité, dans une économie mondialisée, d’avoir une vision globale des stratégies d’adaptation au réchauffement climatique. Une usine inondée en Chine ou des cultures frappées par des sécheresses extrêmes en Amérique du Sud auront, sans équivoque, des conséquences directes sur l’économie française.

L’adaptation au changement climatique dans les faits

Les déséquilibres entraînés par le réchauffement climatique entraînent des bouleversements qui varient largement d’une région à l’autre. Sécheresses, inondations, érosion des sols, submersion, incendies sont autant de risques qui pèsent de manière différenciée en fonction des reliefs, de la position géographique et des activités économiques locales. Ainsi, une baisse du taux d’enneigement aura probablement beaucoup moins de conséquences à Marseille qu’à Chamonix, tant en ce qui concerne l’impact sur les écosystèmes que celui sur l’économie.

Si certaines mesures se planifient au niveau national ou international, leur concrétisation repose souvent sur des actions locales et adaptées aux contextes particuliers. Ces réponses s’organisent aussi à différentes échelles : celle des individus, des entreprises, des collectivités et des États.

Le rôle essentiel des pouvoirs publics

Plus concrètement, les collectivités locales et les pouvoirs publics ont un rôle fondamental pour protéger les populations et les infrastructures qui va bien au-delà de la simple gestion de crise. En France, les plans de prévention des risques naturels (PPRN) se multiplient pour cartographier les zones vulnérables, limiter l’urbanisation dans ces secteurs et anticiper les catastrophes climatiques. Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) vise à orienter la politique nationale d’adaptation en identifiant les chantiers prioritaires et en mettant en place les mesures permettant de limiter les risques et conséquences du réchauffement climatique. Le dernier PNACC français s’appuie ainsi sur un scénario de réchauffement de 4C° à l’horizon 2100. Publié à intervalle régulier par l'Etat français, il est enrichi des résultats d'échanges avec différentes parties prenantes et d'une consultation publique.

Parmi les mesures régulièrement mises en place dans les politiques publiques d'adaptation nous trouvons la création d’espaces verts en milieu urbain qui permet de réduire les îlots de chaleur et d'améliorer la gestion des eaux pluviales ou encore la mise en place de systèmes de gestion des risques assurantiels, afin d’accompagner les ménages et entreprises confrontés à des pertes liées aux catastrophes naturelles. Une politique d'accompagnement des territoires est également essentielle pour pouvoir gérer les risques au niveau local.

Sont généralement traitées en priorité dans un plan national les mesures dites “sans regret” qui se distinguent par des bénéfices immédiats, indépendamment du scénario de réchauffement climatique. Parmi celles-ci nous trouvons la meilleure gestion des ressources hydriques, les politiques d’efficacité énergétique ou encore la restauration des écosystèmes naturels. Ces mesures favorisent une résilience accrue tout en réduisant les impacts environnementaux globaux de l’activité humaine.

L’adaptation des entreprises : un enjeu stratégique

Si les Etats et collectivités sont en première ligne pour mettre en place des politiques d’adaptation au changement climatique, les entreprises ont également leur rôle à jouer. en premier lieu pour renforcer leur résilience face au réchauffement climatique. Pour les entreprises, intégrer l’adaptation au changement climatique dans leur plan climat est un enjeu stratégique, garant de leur pérennité.

Ainsi, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement est cruciale face aux perturbations causées par des phénomènes comme les inondations, qui peuvent bloquer les infrastructures de transport, ou les sécheresses, qui affectent la disponibilité des matières premières. Plus la chaîne de valeur d’une entreprise est complexe, plus les risques qui pèsent dessus se multiplient.

Pour atténuer ces problèmes, certaines entreprises se tournent vers des circuits courts, afin de réduire leur dépendance à des fournisseurs éloignés et renforcer la robustesse de leurs opérations. D’autres investissent dans des infrastructures adaptées, comme des bâtiments résistants aux inondations, ou diversifient leurs sources d’approvisionnement pour limiter les risques. Les industries les plus exposées, telles que l’agroalimentaire, vont intégrer des approches plus durables en privilégiant des matières premières locales ou mieux adaptées au changement climatique.

La plupart des standards de reporting extra-financier, CSRD en tête, incitent aujourd’hui les entreprises à tenir compte des impacts que le changement climatique aura sur leurs activités, que ce soit en termes de risques ou en termes d’opportunités. Il s’agit ici de l’analyse de matérialité, préalable à tout plan climat,  qui doit contraindre les entreprises à estimer le niveau de dépendance de leurs activités à différents critères (climat, biodiversité, ressources en eau…). L’idée sous-jacente étant de les aider à identifier leurs éventuelles fragilités et les inciter à mettre en place les mesures adéquates pour garantir leur résilience ainsi que celle de leurs parties prenantes en cas de bouleversements majeurs.

La sécurité alimentaire au coeur de l’adaptation du secteur agricole

L’agriculture est sans doute l’un des secteurs les plus directement impactés par le réchauffement climatique. Les épisodes de sécheresse prolongée et l’irrégularité des précipitations contraignent les agriculteurs à adopter des stratégies d’adaptation. Ceux-ci peuvent ainsi se tourner vers des cultures plus résistantes aux épisodes de sécheresses, à l’instar de certaines variétés de céréales mieux adaptées aux sols arides. De nouvelles techniques de rotation des cultures permettent également de davantage préserver les sols et de favoriser leur capacité d’absorption de l’eau.

Nous voyons également se développer de nouvelles méthodes d’irrigation, plus économes en eau, à l’image du goutte-à-goutte qui permet non seulement d’améliorer la productivité mais également de réduire la pression sur les ressources hydriques. Ces approches, qui intègrent souvent les connaissances locales et l’innovation technologique, jouent un rôle clé pour assurer la sécurité alimentaire face à des conditions climatiques de plus en plus imprévisibles.Déplacer certaines cultures vers des régions plus propices à leur développement est également une solution qui fait petit à petit son chemin. Nous voyons ainsi les vignobles se développer vers le nord de la France tandis que d’autres cultures, moins gourmandes en eau et plus résilientes face aux fortes chaleurs, viennent les remplacer dans le Sud modifiant durablement l’assolement.

En somme, l’adaptation au changement climatique se décline en une multitude de réponses complémentaires, adaptées à chaque niveau d’intervention. Elle demande une mobilisation collective et concertée, où chacun – citoyen, entreprise, ou collectivité – joue un rôle essentiel. Isoler son logement ou installer une cuve de récupération des eaux de pluies est ainsi à l’échelle de l’individu une manière de participer à cette dynamique au même titre que les initiatives portées par les acteurs économiques et institutionnels pour faire face aux impacts croissants du dérèglement climatique.

L’adaptation dans l’Union européenne : enjeux et défis

L’Union européenne a publié en 2009 un livre blanc sur l’adaptation qui visait à poser les bases de la stratégie d’adaptation de l’UE au changement climatique.

Elle a été suivie en 2012 par la mise en ligne de Climate-ADAPT, une plateforme visant à agréger les données et informations sur les méthodologies d’adaptation et les actions mises en œuvre sur les différents territoires européens pour réduire les impacts climatiques.

2013 : la première stratégie de l'UE relative à l'adaptation au changement climatique 

La première stratégie de l’UE pour l’adaptation au changement climatique a ensuite été lancée en 2013.

Celle-ci visait principalement à comprendre et évaluer les impacts climatiques et problématiques d’adaptation auxquels l’Europe allait être confrontée.

Cette stratégie s’est ainsi focalisée autour de trois grandes priorités :

  • Promouvoir l’action des États membres de l’UE
  • Favoriser une prise de décision éclairée
  • Se focaliser sur les secteurs clés les plus vulnérables

Huit grandes actions devaient alors permettre d'articuler cette stratégie : 

  • Inciter tous les États membres à adopter des stratégies d'adaptation globales
  • Accorder des subventions pour aider au développement des capacités et au renforcement de l'action en faveur de l'adaptation en Europe 
  • Inclure l'adaptation dans le Pacte des maires
  • Améliorer les connaissances (systèmes de suivi des actions menées, coût des dommages et coût et bénéfices de l’adaptation, évaluation des risques locaux et régionaux, outils d’aide à la décision…)
  • Développer la plate-forme Climate-ADAPT pour en faire le «guichet unique» d'information sur l'adaptation en Europe.
  • Faciliter l'intégration des questions de résilience au climat dans la politique agricole commune (PAC), la politique de cohésion et la politique commune de la pêche (PCP)
  • Améliorer la résilience des infrastructures
  • Promouvoir des produits d'assurance et d'autres produits financiers pour des décisions d’investissement et des décisions commerciales «à l’épreuve du climat»

2021 : Bâtir une Europe résiliente

A la suite d’un premier processus d’évaluation, la Commission européenne a conclu que si ses premiers objectifs étaient pratiquement atteints, ils démontraient également que le territoire de l’Union européenne restait fortement vulnérable aux bouleversements liés au changement climatique. Après une consultation publique, Une nouvelle stratégie a ainsi été lancée en 2021, intitulée “Bâtir une Europe résiliente”. Celle-ci doit prendre la suite de la stratégie de 2013 en permettant de trouver les solutions d’adaptation, en assurant leur mise en œuvre effective et en appliquant une véritable politique d'accompagnement des territoires.

Cette stratégie s’articule autour de quatre grands axes : 

  • Rendre l’adaptation plus intelligente en améliorant les connaissances
  • Rendre l’adaptation plus rapide
  • Rendre l’adaptation plus systémique
  • Intensifier l’action internationale autour des sujets d’adaptation au changement climatique

A l’instar de la première stratégie, ces 4 objectifs sont associés à 14 actions visant à mettre en oeuvre la politique européenne d’adaptation au changement climatique : 

  • Repousser les limites des connaissances en matière d’adaptation
  • Collecter des données plus nombreuses et de meilleure qualité sur les risques et pertes liés au climat
  • Faire de Climate-ADAPT la plateforme européenne faisant autorité en matière d’adaptation
  • Améliorer les stratégies et les plans d’adaptation
  • Promouvoir une résilience locale, individuelle et juste
  • Intégrer la résilience climatique dans les cadres budgétaires nationaux
  • Promouvoir des solutions d’adaptation fondées sur la nature
  • Accélérer le déploiement de solutions d’adaptation
  • Réduire les risques liés au climat
  • Combler le déficit de protection contre les aléas climatiques
  • Garantir la disponibilité et la durabilité de l’eau douce
  • Renforcer le soutien à la résilience et à la préparation face au changement climatique au niveau international
  • Accroître le financement international destiné au renforcement de la résilience
  • Renforcer l’engagement et les échanges au niveau mondial en matière d’adaptation

L’implémentation de ce plan climat d'adaptation nécessite l’implication d’acteurs publics et privés, soutenus par des programmes institutionnels européens parmi lesquels nous trouvons l’Observatoire européen du climat et de la santé, l’Agence européenne pour l’environnement, le programme Horizon Europe ou encore le programme Copernicus de l’Agence spatiale européenne. Ces acteurs européens doivent permettre de fournir les outils et méthodologies permettant à chaque Etat membre de coordonner et mettre en place des stratégies d’adaptation au changement climatique.

L’adaptation à l’échelle mondiale

Différentes initiatives ont également été mises en place à l’échelle internationale. Si la Convention Cadre des Nations Unis sur Changements Climatiques a généralement davantage consacré ses efforts sur les problématiques d’atténuation du changement climatique, elle a désormais entamé des travaux dédiés aux problématiques d’adaptation, notamment pour répondre aux besoins en la matière des pays en développement.

La stratégie d’adaptation au niveau international s’est construite au fil des Conférences des Parties (COP).

La COP7 de Marrakech a ainsi permis d’établir des “Programmes d’action nationaux aux fins de l’adaptation” (NAPA’s) visant à lister les priorités des pays les moins développés en matière d’adaptation et de trouver des solutions pour leur mise en œuvre. Cette COP a également entériné la création d’un Fonds pour l’Adaptation visant à financer ces projets.

Le Programme de travail de Nairobi a ensuite été mis en place à l’occasion de la COP11 pour accompagner les pays en développement dans la compréhension et l’évaluation des des impacts liés au changement climatique ainsi que dans la mise en place de mesures d’adaptation.

Les Accords de Cancùn adoptés lors de la COP16 ont renforcé ces premières mesures d’adaptation et ont permis de mettre en place différents dispositifs pour les rendre plus concrets : 

  • le Fonds Vert pour le climat qui doit permettre aux pays riches d'aider à financer l’adaptation des pays en développement
  • le Cadre d’adaptation de Cancùn dont l’objectif est de réduire la vulnérabilité des pays en développement et de répondre à leurs besoins immédiats en matière d’adaptation au changement climatique
  • les plans nationaux d’adaptation (NAPs) qui doivent accompagner les pays les moins développés dans la mise en place de leur politique d’adaptation
  •  le LEG (groupe d’expert des pays les moins développés) qui doit fournir un soutien technique et coordonner les stratégies d’adaptation des parties signataires

Enfin, l’Accord de Paris, dans son article 7 a reconnu l’adaptation au changement climatique comme un enjeu crucial de la politique climatique internationale.

D’autres initiatives internationales, en dehors de l’égide de l’ONU, se sont également développées pour faire face aux défis internationaux liés au changement climatique, à l’instar de la Commission globale pour l’adaptation. Créée par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, cette organisation regroupe 17 pays qui se sont engagés à publier un calendrier de mesures à mettre en place au sein d'un plan climat pour adapter la planète aux conséquences du changement climatique.

Toutes ces initiatives visent à répondre à de nombreux enjeux parmi lesquels le financement des projets d’adaptation, la simplification des transferts de technologies ou encore la gestion des migrations climatiques. 

Conclusion

Pour conclure, l’adaptation au changement climatique n’est plus une option mais une nécessité impérieuse à toutes les échelles, des individus aux institutions internationales. Alors que les impacts du réchauffement climatique se multiplient, il est essentiel de mettre en œuvre des solutions concrètes, adaptées et coordonnées pour renforcer notre résilience collective. Qu’il s’agisse d’améliorer la gestion et l'approvisionnement en eau, de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, de protéger les milieux naturels ou, pour les pays riches, de soutenir les pays les plus vulnérables, chaque action compte pour minimiser les pertes humaines, économiques et environnementales face à de nouvelles conditions climatiques. Se préparer dès aujourd’hui à un futur incertain, c’est assurer un avenir plus sûr et durable pour les générations à venir.

Sources :

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