Qu’est-ce que la CSRD ?
La CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive, est une directive européenne relative à la publication des données extra-financières des entreprises. Elle vient remplacer la NFRD, ou Non Financial Reporting Directive, qui fixait jusqu’à aujourd’hui un cadre relativement vague quant aux obligations de publication de données RSE par les entreprises.
Elle vise à renforcer les obligations des entreprises en matière de transparence et à évaluer leur impact sur les critères ESG ainsi que leur niveau d'engagement vis-à-vis des enjeux environnementaux et des enjeux sociaux.
La CSRD précise largement le reporting extra-financier attendu par les entreprises tout en élargissant le nombre d'organisations concernées par ce reporting. En laissant moins de place à l’interprétation sur les données attendues et leur niveau de précision, l’objectif de la CSRD est de rendre les informations communiquées publiquement plus exhaustives et plus fiables, notamment pour les investisseurs :
- En uniformisant les rapports extra-financiers grâce à la mise en place de normes de reporting à l’échelle européenne, les ESRS, définies par l’EFRAG. Jusqu’ici, les entreprises étaient libres de choisir quelle norme elles souhaitaient suivre. Cela facilitera la comparaison des reporting de différentes entreprises grâce à un langage commun à tous et permettra également un traitement automatisé des reportings.
- En rendant obligatoire l’audit des rapports par le Commissaire aux Comptes – ou par un Organisme Tiers Indépendant, selon la volonté de chaque État membre de l'UE, qui se chargeront de vérifier la fiabilité des informations publiées et des formats de reportings.
- En étendant le scope des entreprises concernées, qui sera multiplié par cinq par rapport à celui de la NFRD. Ce reporting de durabilité concerna ainsi plus de 50 000 entreprises.
Lancée dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, cette nouvelle directive a pour but de rediriger les flux d’investissements vers les projets en accord avec les objectifs de développement durable définis par l’Union Européenne. Elles sont donc en ligne avec les nouvelles normes européennes telles que la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) sur la finance durable et la taxonomie européenne qui a mis en place une classification des activités.
Ce travail de reporting sera obligatoire pour les entreprises couvertes par le scope, les pénalités encourues seront fixées par chaque pays membre d’ici fin 2023.
Qui est concerné par la CSRD ?
La CSRD sera déployée de manière progressive en commençant en janvier 2024 par les entreprises actuellement soumises à la NFRD. À terme, cette obligation de reporting ESG sera étendue à plus de 50 000 entreprises européennes et non européennes mais actives au sein de l’UE. Grands groupes comme petites et moyennes entreprises sont concernés.
Les entreprises européennes et la directive CSRD
Les entités européennes concernées par cette nouvelle obligation de reporting de durabilité sont celles qui répondent à au moins deux des trois critères suivants :
- Employer 250 salariés ou plus.
- Générer 50 millions d’euros de chiffre d'affaires ou plus.
- Avoir un bilan de 25 millions d’euros ou plus.
Sont également concernées les PME cotées sur les marchés européens répondant à au moins deux des trois critères suivants :
- Employer 10 salariés ou plus,
- Générer 900 000 euros de chiffre d'affaires ou plus.
- Avoir un bilan de 450 000 d’euros ou plus.
Dans une démarche d'engagement de transparence, les PME non cotées pourront également se plier à la publication de leurs données extra-financières suivant le même cadre.
Les entreprises non européennes visées par la CSRD
A l'instar des sociétés européennes, les entreprises non européennes qui génèrent plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires net dans l'UE devront elles aussi se soumettre à la publication de données sur la durabilité de leur activité.
Quelles informations relatives au changement climatique devront figurer dans le reporting CSRD ?
L’EFRAG, European Financial Reporting Advisory Group, a publié récemment une première série de normes de reporting attendues dans le cadre de la CSRD. L’ensemble des données se découpent en 12 documents distincts, les ESRS, qui abordent chacun un sujet spécifique de reporting autour de la RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises :
Chaque document décrit les informations et le contenu attendus dans le rapport extra-financier concernant un sujet social et environnemental. Il s’agit à la fois de données quantitatives et qualitatives permettant de réaliser un état des lieux de l'existant et de mesurer leur niveau d’engagement présent et à venir de l'entreprise sur les problématiques RSE. Celui-ci s'analyse notamment au travers des efforts menés en matière de gouvernance et sur l'intégration de ces enjeux dans la stratégie de développement de l'entreprise.
Ci-dessous une synthèse du document "Climate Change" et du contenu qui serait à priori demandé par la CSRD sur le sujet spécifique du changement climatique (atténuation du changement climatique et adaptation au changement climatique) :
1 - Le Bilan carbone et le plan d'action de transition.
Dans la section du rapport de la CSRD liée au changement climatique, l’entreprise devra présenter :
- Son impact sur le climat, c’est-à-dire son bilan carbone. La norme à suivre sera celle du GHG protocol et du GRI 305. Une comptabilisation des émissions sur l’ensemble de sa chaîne de valeur est requise et doit donc couvrir les scope 1, scope 2 et scope 3.
- Sa capacité d’adaptation au changement climatique actuellement projeté (+1,5°C) mais aussi au changement climatique prévu par des scénarios moins optimistes. Elle devra préciser quels sont les risques et opportunités (financiers et physiques) de l’entreprise liés au changement climatique.
2 - Les objectifs, les trajectoires et les engagements.
Chaque entreprise devra déterminer une trajectoire de réduction de ses émissions de GES, et devra également expliquer comment elle atteindra ses objectifs. Les entreprises devront présenter :
- Une cible compatible avec une trajectoire à +1,5°C, conformément aux accords de Paris, qui sera définie par un objectif de réduction des émissions, précisant également si elle est basée sur la science, ainsi que des actions mises en place (dans le passé, le présent et le futur) et leur impact (passé, présent et futur) sur les émissions de l’entreprise.
- Une trajectoire à horizon 2030, voire 2050 si possible, avec une révision de l’objectif et une redéfinition de l’année de référence tous les cinq ans à partir de 2030.
Dans sa déclaration de performance, chaque entreprise devra également justifier la cohérence de son plan de transition avec sa stratégie commerciale et financière.
3 - Les moyens alloués à l’implémentation du plan de transition.
Le rapport devra comporter une synthèse complète sur le plan de transition et présenter les moyens et ressources financières investis dans ce plan de transition, notamment en communiquant sur les volumes significatifs de CapEx et d’OpEx mobilisés.
Les entreprises devront par ailleurs présenter chaque année leurs avancées dans l’implémentation de leur plan de transition et mettre à jour les informations financières associées à ce plan.
4- Les politiques de l’entreprise.
Afin d’expliquer comment l’entreprise est en mesure de mettre en oeuvre son plan de transition climatique, les politiques de l’entreprise liées à l’environnement devront être exposées selon cinq axes :
- Atténuation du changement climatique,
- Adaptation au changement climatique,
- Efficacité énergétique,
- Déploiement de l’énergie renouvelable,
- Divers pour les sujets restants.
5 - Le mix énergétique de l'entreprise.
Parmi les obligations de reporting, les entreprises devront communiquer sur leur consommation d’énergie en absolu, ainsi que préciser leur mix énergétique. Une séparation claire de la consommation d’énergie par source d’énergie devra être détaillée pour les entreprises des secteurs à fort impact climatique, en communiquant :
-> D’une part, sur la consommation d’énergies d’origine non-renouvelable,
- Charbon,
- Combustibles pétroliers,
- Gaz,
- Combustibles autres,
- Produits nucléaires,
- Électricité, réseau de chaleur, réseau de vapeur, réseau de froid d’origine non-renouvelable,
-> D’autre part, sur la consommation d’énergies d’origine renouvelable,
- Biogaz,
- Électricité, réseau de chaleur, réseau de vapeur, réseau de froid d’origine renouvelable,
- Production interne d’électricité.
6 - Le Financement de projets de séquestration des GES et d’atténuation du changement climatique.
Les entreprises devront également communiquer sur la quantité de GES retirée de l’atmosphère et séquestrée durablement. Elles devront être distinguées selon le type de projet :
- séquestration de GES au sein de la chaîne de valeur de l’entreprise,
- séquestration de GES à travers des projets financés hors de la chaîne de valeur de l’entreprise.
L’objectif de cette directive est de mesurer la capacité de l’entreprise à contribuer à l’objectif du net zéro mais également de cadrer les communications publiques sur ce sujet et donc éviter la tentation de Greenwashing.
7 - Le prix interne du carbone.
S’il y a lieu, les entreprises ayant mis en place une tarification interne du carbone devront expliquer le système mis en place et le champ d’application : activités et entités couvertes, quantité de GES par catégorisation (scope 1, 2 ou 3), méthodologie de calcul.
8 - L'analyse de Double Matérialité.
Une notion très importante requise dans la CSRD est l’approche de l’ensemble des points cités plus haut par celui de la double-matérialité, à savoir la matérialité d'impact et la matérialité financière. Chaque entreprise devra expliquer dans son rapport comment elle impacte le changement climatique mais aussi comment celui-ci impacte ses activités et son plan de transition (impacts physiques et financiers sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise). Ainsi, elle devra présenter une analyse rigoureuse des risques et opportunités liés au changement climatique et justifier sa capacité d’adaptation au changement climatique. Cette section du rapport incluera notamment une analyse des impacts positifs et négatifs financiers liés au changement climatique :
- Les impacts financiers potentiels liés aux risques matériels physiques (par exemple les risques de stress hydrique, de départs de feu),
- Les impacts financiers potentiels liés aux risques inhérents de transition de la société (par exemple l’évolution des coûts, la mise en place de nouvelles législations),
- La capacité à saisir les éventuelles nouvelles opportunités liées au changement climatique.
Le calendrier de la CSRD : les dates clés.
Le déploiement de cette nouvelle obligation sera progressif jusqu’à 2026 selon les tailles des entreprises.
Afin d’aider les entreprises à réaliser ce premier exercice de publication, l’EFRAG prévoit de publier des normes et des directives de rédaction en deux temps.
- 31 juillet 2023 : publication de l'acte délégué contenant les 12 premiers ESRS transversaux, les normes de reporting de la CSRD
- 2024 : publication des directives propres aux PMEs, plus proportionnées à la taille de ces entreprises
- 2026 : adoption des normes sectorielles (initialement prévues pour le 20 juin 2024)
- 2026 : adoption des normes dédiées aux entreprises non européennes qui devront reporter en 2029 sur les données de 2028
Quelles sont les sanctions applicables si la CSRD n'est pas respectée ?
Chaque pays membre de l’Union européenne sera chargé de définir les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations liées à la CSRD lorsqu’il retranscrira la directive dans sa législation nationale.
Le 7 décembre 2023, la France a été le premier pays à retranscrire dans sa législation nationale la directive CSRD au moyen de l’ordonnance N° 2023-1142. Cette retranscription inclut donc la liste des sanctions auxquelles s’exposent les entreprises contrevenant aux obligations auxquelles elles sont soumises dans le cadre de la CSRD.
En cas de non respect de leurs obligations, les sanctions mises en place en France sont les suivantes :
- L'injonction sous astreinte : toute personne peut demander en référé d’enjoindre sous astreinte soit la production, la communication ou la transmission des documents ou informations en matière de durabilité
- L'exclusion des marchés publics des entreprises qui ne satisfont pas à leur obligation de publication des informations en matière de durabilité. Cette sanction sera applicable à compter du 1er janvier 2026.
- L’engagement de la responsabilité pénale du dirigeant et de l'entreprise :
- en cas de non-désignation d'un commissaire aux comptes ou de la non-certification des informations en termes de durabilité (30 000 € d'amende pour le dirigeant + 2 ans de prison et 150 000 € d'amende pour l'entreprise)
- en cas d'obstacle à la vérification et aux contrôles des auditeurs des informations en termes de durabilité ou de refus de communication des documents utiles à leur mission (75 000 € d'amende pour le dirigeant + 5 ans de prison et 375 000 € d'amende pour l'entreprise)
A noter que la mise en application d’ici 2026 de la CSDDD, en passe d'être d'être adoptée par le Parlement européen et renforçant les obligations liées au devoir de vigilance (due diligence) des entreprises en matière de préservation de l’environnement et de respect des droits de l’homme pourra élargir les possibilités de sanction auxquelles seront soumises les entreprises. Les sanctions financières pourront notamment, à l’instar de celles liées au RGPD, correspondre à un pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée.
Comment préparer son entreprise à la CSRD ?
Si votre entreprise était déjà soumise à la NFRD, le grand changement à venir pour vous sera l’obligation de reporter sur une stratégie RSE de réduction des impacts.
Le cas échéant, vous allez devoir commencer dès début 2024 la collecte des données ESG afin de pouvoir reporter au 1er Janvier 2025. Afin de prendre de l’avance, pour mieux préparer votre entreprise à la CSRD, vous pouvez, entre autres :
- Vous interroger sur la place de votre entreprise et le rôle qu’elle peut jouer dans la transition énergétique et écologique,
- Identifier les risques et impacts sur les critères ESG,
- Collecter de premières données ESG (Le bilan carbone en est un exemple),
- Préparer une stratégie RSE pour réduire votre impact.
Anticiper le processus de collecte de données ESG
La première phase de préparation de vos reportings CSRD va consister à collecter les centaines voire milliers de données qui serviront à compléter les rapports, affiner vos analyses et construire vos plans d’action.
Les entreprises ayant déjà réalisé un plan carbone connaissent la difficulté de l’exercice. L’avantage pour leurs équipes, c’est qu'elles ont déjà réalisé le gros du travail. Le volet environnemental et en particulier la norme ESRS E1, dédiée au climat, est celui qui demandera le plus d’engagement et d’implication de la part des directions financières et RSE.
La difficulté réside non seulement dans la quantité de données qu’il faudra collecter mais également leur diversité. Les informations ESG sont réparties tout au long de votre chaîne de valeur. En interne, tous les sites et départements de votre entreprise disposent d’informations essentielles à la constitution de vos reportings.
Il en est de même pour vos fournisseurs, prestataires… qui contribueront en autre à mesurer votre empreinte carbone sur le scope 3 amont et le scope 3 aval.
Nous ne saurons que trop vous conseiller de vous appuyer sur un outil en mesure de vous accompagner dans le processus de collecte et de traitement des données ESG pour simplifier et clarifier le processus.
Préparer vos analyses de double matérialité
Comme nous le disions précédemment, l’analyse de matérialité va être le fondement de vos reportings.
Pour chacun des reportings demandés, vous devrez réaliser cette analyse permettant de mesurer votre impact sur le sujet traité ainsi que l’impact que celui-ci peut avoir sur votre activité, qu’il soit physique ou financier.
Si un sujet est considéré comme “non matériel” pour votre activité, vous n’aurez pas à publier de reporting le concernant. Néanmoins, celui traitant du changement climatique sera presque inévitable, toute activité ayant un impact sur le climat ou pouvant être impactée par celui-ci de diverses manières.
Si vous décidez de passer outre ce reporting, vous devrez être en mesure de le justifier via un exposé complet de votre méthode d’analyse.
Bâtir un plan d’action
La CSRD vous impose de mettre en place des plans d’action pour réduire votre impact (négatif, bien entendu) sur les différents indicateurs.
Dans le cadre du changement climatique, celui-ci est particulièrement cadré. Il doit suivre une méthode scientifique et être en adéquation avec les objectifs de 1.5 degrés de réchauffement climatique fixés par l’Accord de Paris et de neutralité carbone à l’échelle européenne d’ici 2050.
Ce plan d’action est non seulement très contraignant mais il sera aussi scruté par les acteurs des marchés financiers dans un contexte où l’Union européenne incite très fortement les investisseurs à rediriger leurs investissements vers les entreprises vertueuses en matière de transition environnementale.
Un plan d’action trop peu ambitieux ou trop peu crédible sera un mauvais signal envoyé au marché. Un risque qu’il vaut mieux éviter de prendre au risque de se voir boudé par les investisseurs, les acheteurs, les consommateurs ou toute autre partie prenante de l’entreprise.
Mobiliser les ressources permettant d’agir dans la durée
La CSRD est un exercice annuel qui nécessite donc collecte de données, analyse d’impact et modélisation d’un plan d’action avec suivi années après années.
Réaliser un bilan carbone de manière aléatoire sur un fichier Excel ne suffira plus. Il s’agira de s’appuyer sur un outil fiable qui pourra accompagner votre entreprise dans la durée et permettra de collecter et traiter les données, réaliser des analyses d’impact poussées, mettre en place un plan d’action et en anticiper les effets et les coûts.
La solution développée par Traace est en mesure de vous fournir l’ensemble de ces éléments pour publier vos reportings CSRD via un module de collecte permettant de centraliser et traiter l’ensemble des données récupérées tout au long de votre chaîne de valeur.Un outil de modélisation vous permettra de définir et piloter votre plan d’action. Vous pourrez visualiser la performance de vos actions sur vos niveaux d’émissions de GES ainsi que l’impact financier à court, moyen et long terme de chacun des leviers que vous pourrez actionner.