Comment bien se préparer à la CSRD ?

Comment bien se préparer à la CSRD ?

La CSRD va concerner à terme 50 000 entreprises qui devront réaliser des reportings annuels sur une longue liste de critères ESG. Comment alors se préparer au mieux à la publication de ces reportings ? Quel modèle de gouvernance bâtir ? Comment collecter et analyser ce volume de données ?

François Tréfois

François Tréfois

CSR & ESG Expert

Mise à jour :
29/7/2024
Publication :
20/10/2023

La CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive, va démarrer son application progressive en 2024. Les premières entreprises concernées seront celles actuellement déjà soumises à la NFRD qui devront reporter au 1er janvier 2025 sur leurs données ESG de 2024.

L’application de cette nouvelle réglementation s’élargira ensuite jusqu’en 2027 aux entreprises de l’Union Européenne répondant à au moins 2 des critères suivants : 

  • employer 250 salariés ou plus
  • générer 50 millions d’euros de chiffre d’affaire ou plus
  • avoir un bilan de 25 millions d’euros ou plus

Seront également concernées les PME cotées en bourse et les entreprises non européennes réalisant un chiffre d’affaires de plus de 150 millions d’euros sur le territoire de l’UE.

A terme, cela représentera 50 000 entreprises à travers l’Union Européenne et 75% du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises de l’Union Européenne.

A titre de comparaison, la NFRD concernait uniquement les sociétés cotées ou les entreprises de plus de 500 salariés, soit un peu plus de 11 000 entreprises à travers l’UE.

CSRD application timeline
Calendrier d'application de la CSRD

Si certains principes de la CSRD sont encore en construction, notamment les normes de reporting sectorielles, il est important pour les entreprises de s’y préparer dès maintenant.

Les premières concernées, déjà soumises à la NFRD, disposent souvent d’une première structure de collecte de données qui devra être ajustée et approfondie. Pour les autres, partant de zéro, même si l’horizon 2026 ou 2027 peut sembler lointain, elles devront s’y préparer au plus tôt afin d’éviter de se retrouver au pied du mur face à un exercice qui peut vite se révéler dantesque.

Nous allons donc vous donner quelques conseils afin que vous puissiez vous préparer au mieux à la CSRD et ses différentes échéances.

Ajuster ses mécanismes de gouvernance

La première étape va être d’adapter vos mécanismes de gouvernance afin de pouvoir faire face aux nouvelles exigences de cette réglementation. Suite à la mise en place de la NFRD, de nombreuses grosses entreprises ont déjà entamé cette démarche mais ont encore besoin de l’approfondir.

Le sujet de la RSE, pilier de la CSRD, doit être traité aux plus hauts niveaux de votre entreprise. Ainsi, EY, dans son panorama de gouvernance 2022, a relevé que les Conseils d’administration des entreprises ont commencé à prendre en compte de manière plus rigoureuse les sujets ESG dans leurs prises de décisions. En 2022, 34% d’entre eux avaient intégré l’analyse de l’impact des changements climatiques dans leurs thèmes de travail quand, 2 ans auparavant, ce chiffre était proche de 0.

De même, ils ont noté une importance croissante des comités RSE au sein de ces Conseils, avec une attention particulière sur les sujets liés aux risques climatiques et à leur impact sur l’activité de leur entreprise.

La lacune vient aujourd’hui des comités d’audit, encore peu sensibilisés à ces enjeux. Ils notent que seuls 12% des comités d’audits des entreprises du SBF120 disposent à ce jour d’un membre formé aux enjeux RSE. Ils sont pourtant les plus à même de contrôler la conformité du reporting par rapport aux exigences réglementaires.

Le modèle de gouvernance idéal serait celui d’une stratégie CSRD pilotée par Comité RSE. Il se chargerait de définir les grandes lignes et objectifs des sujets ESG.
Le comité d’audit n’interviendrait qu’en bout de ligne. Fort de sa connaissance de la structuration et du fonctionnement de l’entreprise,il se chargera de contrôler la conformité et la qualité des rapports.

Côté opérationnel, le plus judicieux sera d’avoir une direction globale qui centralisera la mise en œuvre du plan de collecte et d’analyse. Cette direction serait divisée en deux sous-directions. Une sous-direction financière qui se chargera des sujets de performance financière et une sous-direction RSE qui suivra les sujets de performance environnementale.

Il est également nécessaire pour les dirigeants et administrateurs d’intégrer la dimension ESG dans leur politique de gestion des risques. Celle-ci devra constituer une catégorie à part, alimentée par l’analyse de double matérialité imposée par la CSRD.

En isolant cette dimension dans votre matrice de gestion des risques, vous serez en mesure d’avoir une vision claire des impacts ESG sur l’activité de votre entreprise et de sa chaîne de valeur. Cela vous permettra par ailleurs de réaliser une analyse plus approfondie de ces sujets et des moyens que vous pouvez mobiliser pour anticiper leurs conséquences sur votre activité, comme le réclame la réglementation européenne.

Intégrer les normes de reporting

L’un des points clés de la CSRD est qu’elle s’accompagne d’un ensemble de règles de reporting élaborées par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) permettant d’harmoniser au niveau européen la lecture des données ESG transmises par les entreprises.

Ces ESRS (European Sustainability Reporting Standards), dont certains sont encore en cours d’élaboration, doivent servir de fil conducteur aux entreprises dans l’établissement de leur reporting CSRD. 

Liste des ESRS

Le suivi de ces formats de reporting nécessite donc une implication forte des comités d’audits des entreprises qui devront être formés au plus vite sur ces problématiques, compte tenu de l’agenda serré de mise en place de la CSRD.

Une autre nouveauté de la CSRD est que ces reportings devront être audités par des Commissaires aux comptes spécifiquement formés sur les reporting de durabilité ou des organismes tiers indépendants accrédités par le COFRAC.

Maîtriser sa chaîne de collecte de données

Le plus grand défi auquel vont être confrontées les entreprises va être celui de la collecte des données ESG. Les sociétés ayant déjà réalisé un bilan carbone de qualité, et nous entendons par là, sur la base de données physiques et non monétaires, connaissent déjà l’ampleur du sujet et sa complexité.

Pour ces entreprises, sachez-le, le plus gros du travail est fait. L’analyse des données d’activités d’une entreprise dans le cadre de l’établissement d’un bilan carbone selon une méthodologie scientifique représente la dimension la plus importante de la CSRD en matière de collecte.

Mapper vos données

La première phase de votre travail consiste à identifier l’ensemble des données que vous devez récolter. Étudiez de manière approfondie les normes de reporting européennes, ESRS, qui vous fourniront un cadre nécessaire à l’établissement de la liste de données que vous devrez transmettre et à leur format.

A partir de cette liste, vous devrez diviser les données en 3 grandes catégories : 

  • les données existantes qui, en l'état ou après traitement, peuvent intégrer votre reporting
  • les données existantes qui nécessitent d’être complétées pour pouvoir être traitées et/ou pour approfondir votre analyse et intégrer le reporting
  • les données nouvelles à collecter auprès de vos différentes parties prenantes

Choisir le bon outil

Compte tenu de l’ampleur du nombre de données nécessaires pour répondre aux exigences de la CSRD, il vous faudra au plus vite faire appel à un outil en mesure de vous accompagner à la fois dans le processus de collecte mais également dans l’analyse des données et la mise en place des leviers d’action à appliquer pour agir positivement sur votre impact social et environnemental.

Les données ESG sont à collecter tout au long de votre chaîne de valeur. Concernant les données carbone, la CSRD s’applique aux scopes 1, 2 et 3 de votre entreprise. L’outil choisi doit donc vous permettre de travailler de manière collaborative avec l’ensemble des parties prenantes concernées par cet exercice, depuis vos différents départements, sites, employés jusqu’à vos fournisseurs de produits et services.

Le tableau Excel ne sera plus un outil suffisant pour traiter l’ensemble de ces données. Vous devez dès maintenant tenir compte du fait qu’une donnée récoltée sera traitée sous plusieurs angles pour calculer son impact sur différents indicateurs. Une action bénéfique en matière d’émissions de GES peut par exemple se révéler néfaste sur les indicateurs de biodiversité.

Le système de traitement de votre outil devra donc être suffisamment avancé pour prendre en compte l’ensemble des variables listées par la CSRD afin que vous puissiez identifier les leviers les plus pertinents pour agir de manière substantielle sur les dimensions sociales et environnementales.

Pour en savoir plus sur les bonnes pratiques en matière de collecte de données carbone, vous pouvez consulter notre article consacré à ce sujet.

Préparer une analyse de double matérialité

L’analyse de double-matérialité est l’une des grandes nouveautés de la CSRD.

Là où vous deviez auparavant uniquement reporter sur une liste de datas, sans contrainte de format de reporting ou d’analyse, la CSRD vous demande désormais de prendre en compte non seulement l’impact positif ou négatif que les changements sociaux et environnementaux auront sur votre activité mais également l’impact qu’a votre activité sur les dimensions sociales et environnementales.

Représentation du principe de "Double matérialité"

La CSRD vous contraint de réaliser cette analyse sur votre activité directe mais également sur l’ensemble de votre chaîne de valeur. Il ne vous suffit donc plus d’analyser la quantité de GES émises par vos fournisseurs, vous devez également être en mesure d’estimer l’impact que le changement climatique pourrait avoir sur eux et donc votre activité.

L’analyse de double matérialité est un sujet complexe. Elle nécessite la collecte de données de qualité ainsi que la capacité d’avoir une vision à court, moyen et long terme de votre développement. Enfin vous devez être en mesure d’estimer les potentielles incidences sociales et environnementales liées à votre croissance future.

N’hésitez pas à vous entourer d’experts pour faire un premier état des lieux du sujet et cartographier l’ensemble des implications que peuvent avoir les changements sociaux et environnementaux sur chaque pan de votre activité et inversement.

Suivre l’évolution réglementaire de la CSRD

La CSRD est la dernière réglementation en date du Pacte Vert pour l’Europe visant à rendre l’Union européenne neutre en carbone d’ici 2050.

L’un des objectifs clés est de réorienter les investissements vers les entreprises ayant pris des initiatives pour mettre en place une croissance dite “durable”.

Pour les acteurs financiers, la SFDR et la taxonomie verte visent à accentuer la transparence des stratégies d’investissement et placements financiers vis-à -vis des investisseurs.

Sur le volet extra-financier, la CSRD, qui remplace la réglementation NFRD, permet d’informer le grand public et bien entendu les acteurs financiers sur la prise en compte par les entreprises des critères ESG et sur leur vulnérabilité ou leur solidité face aux changements sociaux et environnementaux anticipés.

Cette législation est toujours en mouvement, elle se complète et s’affine au fur et à mesure des années à un rythme extrêmement soutenu. Il est donc nécessaire d’effectuer une veille constante sur les nouvelles réglementations.

Ainsi les ESRS génériques ont déjà été publiés par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), néanmoins, une dizaine d’ESRS sectoriels sont encore en cours d’élaboration et de nouveaux devraient suivre. La taxonomie européenne et la SFDR sont également appelées à évoluer dans les prochains mois pour mieux s’accorder avec la CSRD.

Quid de la transposition dans le droit français ?

Le gouvernement avait jusqu’au 9 décembre 2023 pour transposer la CSRD dans le droit français, chose faite le 7 décembre dernier au moyen de l'ordonnance Ordonnance n° 2023-1142. Cette transposition a permis d'apporter des éclaircissements sur la mise en œuvre de la réglementation pour les entreprises françaises, notamment concernant les risques et niveaux de sanction en cas de non-respect des obligations de reporting.
Dans le cadre de cette transposition, le gouvernement français a également défini les personnes habilitées à auditer les rapports CSRD et l’autorité qui chapeautera les auditeurs. Les Commissaires aux comptes ainsi que les Prestataires de service d’assurance indépendants (PSAI) accrédités par l’EFRAC seront donc les seuls habilités à réaliser ces audits après avoir suivi une formation spécifique de 90 heures sur les enjeux de durabilité et les critères ESG.

Le Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu la Haute autorité de l’audit (H2A), sera l’autorité chargée du contrôle et des éventuelles sanctions de ces professionnels.

Pour conclure, il est nécessaire pour les entreprises qui sont déjà concernées par la CSRD ou le seront d’ici 2027, de se mettre dès maintenant en ordre de marche pour intégrer au niveau structurel les changements que cette réglementation implique en matière de reporting.

La tâche peut sembler immense, d’autant plus qu’elle nécessite l’implication de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. Vous devez donc vous assurer au plus tôt d’être en mesure de mobiliser les ressources humaines et logicielles pour mener à bien cet exercice.

Traace peut vous accompagner dans cette démarche. Pour en savoir plus, vous pouvez nous contacter directement via ce formulaire.

Sources: 

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