Tout comprendre sur la réglementation SFDR

Tout comprendre sur la réglementation SFDR

Qu’est-ce que la réglementation SFDR mise en place par l’Union Européenne ? Parangon de la finance verte, elle vise à réorienter les investissements vers des projets durables et impose pour cela des obligations de transparence aux acteurs financiers en matière d'impacts sociaux et environnementaux et de décisions d'investissement.

Matthieu Duault

Matthieu Duault

Climate Copywriter

Mise à jour :
7/12/2023
Publication :
10/10/2023

Compte tenu des enjeux climatiques, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de manière plus générale, notre impact négatif ou positif sur l’environnement et la société sont des sujets qui concernent l’ensemble des secteurs d’activité de notre économie.

Cependant, l’une des bases de toute activité économique est son financement. En impulsant une nouvelle dynamique au système financier et en incitant les investisseurs à privilégier les secteurs contribuant à la transition écologique et à un modèle de croissance durable, les autorités européennes espèrent avoir un impact large tout en responsabilisant le secteur financier et ceux qui y contribuent.

C’est dans cette optique que la SFDR a été mise en place.

Réglementation SFDR : qu'est-ce que c'est ?

La SFDR, pour Sustainable Finance Disclosure Regulation, est une réglementation européenne visant à promouvoir les investissements dans les actifs financiers dits durables et à accentuer la transparence de ces produits financiers en matière de contribution (ou non) au développement durable, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la prise en compte de facteurs sociaux.

Ce règlement oblige notamment les acteurs financiers à davantage de transparence sur les fonds qu’ils gèrent ou alimentent en renseignant les investisseurs sur la “durabilité” des produits d'investissement qu’ils vendent mais également sur l’impact des changements climatiques et sociaux sur leur éventuelle rentabilité. Nous retrouvons donc l’application d’un système de double matérialité.

Pour ce faire, la SFDR permet de classer les fonds d’investissements en différentes catégories selon leurs impacts sociaux et environnementaux.

Les fonds articles 6, 8 et 9

Les fonds sont ainsi classés en 3 catégories distinctes, les fonds “article 6”, “article 8” et “article 9” qui permettent aux investisseurs de prendre des décisions éclairées quant à la durabilité du produit financier dans lequel ils investissent.

SFDR classification (Source : MorningStar)

Les fonds article 6 : il s’agit de fonds qui n’ont pas d’objectifs explicites d’investissement durable. Ils sont également appelés "fonds sans objectif de durabilité". Ils ne sont pas tenus d'intégrer une dimension ESG dans leurs processus d'investissement, mais doivent tout de même divulguer des informations de base sur les risques en matière de durabilité.

Les fonds article 8 : il s’agit de fonds qui ont des objectifs de durabilité sans règle particulièrement contraignante. Ils sont également appelés “fonds à objectif de durabilité”. Ils sont conçus pour promouvoir des caractéristiques environnementales ou sociales dans leurs investissements. Ces fonds intègrent des facteurs ESG dans leur processus d'investissement et définissent des objectifs de durabilité spécifiques dans leur politique d'investissement.

Les fonds article 9 : il s’agit des fonds les plus poussés en matière de durabilité, également appelés “fonds super verts” ou “dark green”. Ils doivent contribuer de manière substantielle aux objectifs de durabilité de l'UE, tels que l'Accord de Paris sur le climat. Ces fonds sont tenus d'intégrer de manière significative les facteurs ESG dans leurs décisions d'investissement. Ils doivent avoir des mécanismes de vérification indépendants pour évaluer leur impact sur la durabilité.

Pourquoi parle-t-on de finance verte ?

La SFDR est un des outils mis en place pour contribuer au développement de ce que l’on appelle communément la “finance verte” ou “finance durable”. Il s’agit notamment de réorienter les investissements vers des activités ayant un impact positif sur l’environnement et la société et notamment de valoriser celles qui s’engagent dans des projets de décarbonation. Parmi ces outils, nous retrouverons également des instruments tels les obligations vertes ou encore la taxonomie européenne.

L’objectif assumé est de mieux allouer les ressources financières en tenant compte, non plus seulement de la performance financière à court-terme et du critère de rentabilité, mais de faire peser également dans la balance le critère de durabilité.

L’analyse de double matérialité des produits financiers introduite par la SFDR et la notion de DNHS (Do not significantly harm) permet de mieux tenir compte de ce nouvel équilibre en privilégiant une vision à long terme. Investir dans un produit sur son seul critère de rentabilité peut devenir risqué si celui-ci risque d’être impacté par les conséquences du changement climatique. Mieux vaut donc investir dans des produits moins risqués à moyen et long terme et valorisant les activités “durables”.

Quels sont les principaux objectifs du règlement SFDR ?

Le règlement européen poursuit quatre grands objectifs :

Améliorer la transparence : Le SFDR vise à accroître la transparence des produits financiers en exigeant que les sociétés de gestion, les investisseurs et les conseillers financiers transmettent des informations sur la durabilité de leurs produits et de leurs activités en suivant une analyse de double-matérialité. Cela doit permettre aux investisseurs de prendre des décisions plus éclairées en tenant compte des facteurs de durabilité.

Encourager l'investissement durable : En obligeant les acteurs du secteur financier à divulguer des informations sur la durabilité, le SFDR vise à encourager l'investissement dans des projets et des entreprises qui ont un impact positif sur l'environnement et la société. Cela doit à terme favoriser la transition vers une économie plus durable.

Aligner les investissements sur les objectifs de durabilité de l'UE : Le SFDR contribue à l'alignement des investissements sur les objectifs de durabilité de l'Union européenne, tels que l'Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable des Nations unies. Il encourage les investissements dans des projets et des entreprises qui contribuent à atteindre ces objectifs.

Prévenir le greenwashing : Le SFDR vise à éviter la pratique du "greenwashing", qui consiste à présenter de manière trompeuse un produit financier comme étant plus durable qu'il ne l'est réellement. En imposant des normes de divulgation strictes des risques et opportunités liées aux critères ESG, le règlement vise à garantir que les informations fournies aux investisseurs sont exactes et fiables.

Quelles sont les entreprises et les produits concernés par ce règlement ?

Le SFDR s’applique à deux types de profils :

  • les acteurs des marchés financiers (gestionnaires d’actifs, entreprises d’assurance, établissements de crédits…)
  • les conseillers financiers, dans lesquels nous retrouverons des acteurs de la première catégorie lorsqu’ils fournissent des prestations de conseil en investissement

Ils ont l'obligation légale de fournir des informations quant à la durabilité des produits financiers qu’ils conseillent et de les classer selon les critères de durabilité établis dans ladite réglementation (articles 6, 8 et 9). Les gestionnaires de fonds doivent également fournir des informations justifiant leur processus de décision d’investissement.

L'historique en date de la réglementation SFDR

Le SFDR est un élément constituant du Pacte Vert pour l’Europe dont l’objectif est d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050 et visant à réduire les émissions de de gaz à effet de serre des pays de l’Union européenne de 55% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux d’émissions de 1990.

Ce Pacte vert a été mis en place au sein de l’Union européenne pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat, ratifié en 2015.

Le SFDR est une réglementation européenne en date du 27 novembre 2019 qui est effective depuis le 10 mars 2021. Elle a été enrichie en avril 2022 avec l’adoption des RTS (Regulatory Technical Standards), effectives depuis le 1er janvier 2023.

Les RTS sont des normes de production des reportings auxquelles les acteurs des marchés financiers doivent se plier pour fournir les informations concernant les potentielles incidences des produits financiers sur la durabilité ainsi que les modèles d’informations pré-contractuelles et modèles d’informations périodiques qui doivent être transmis aux investisseurs.

Enfin, depuis septembre 2023, la Commission Européenne a lancé une double consultation visant dans une première partie à recueillir des témoignages sur la perception qu’ont différents acteurs des exigences du règlement et des règles de reporting associées.

La seconde partie de la consultation, effectuée auprès d’un public plus restreint, vise à évaluer précisément la pertinence de la réglementation et celle du classement des fonds sous les catégories 6, 8 et 9, en leur proposant des alternatives.

Règlement SFDR et taxonomie européenne : ce qu'il faut savoir

Le SFDR est à mettre en parallèle avec la taxonomie européenne, dite taxonomie verte.

Comme évoqué précédemment, la taxonomie verte est également un des outils mis en place au sein de l’Union européenne dans le cadre du Pacte vert.

La taxonomie verte européenne se concentre sur la classification des activités économiques durables, tandis que le SFDR se concentre sur la transmission d'informations spécifiques sur la durabilité dans le secteur financier.

Ces deux initiatives visent à promouvoir la durabilité dans le secteur financier mais avec des objectifs et une approche différente.

La taxonomie européenne est une classification des activités économiques qui contribuent de manière effective aux objectifs de durabilité environnementale de l'UE. Elle définit des critères précis permettant de déterminer quelles activités économiques sont considérées comme durables.

La taxonomie verte couvre six objectifs de durabilité environnementale :

  • l’atténuation du changement climatique
  • l'adaptation au changement climatique
  • l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et maritimes,
  • la transition vers une économie circulaire
  • la prévention et le contrôle de la pollution
  • la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Elle est principalement destinée à être utilisée par les entreprises et les investisseurs pour identifier et promouvoir des investissements verts conformes aux objectifs de durabilité de l'Union européenne.

Les deux initiatives sont complémentaires dans la mesure où la taxonomie verte peut aider les acteurs financiers à identifier les investissements conformes aux objectifs de durabilité, tandis que le SFDR assure la transparence sur la manière dont ces investissements sont gérés et communiqués aux investisseurs.

Quelques limites

Finalement, qu’est-ce qu’un investissement durable ?

Depuis la mise en place de la réglementation SFDR, il semble qu’il y ait un flou dans la différence entre ce qui peut être considéré comme un fonds article 8 et un fonds article 9.

Toute la difficulté réside dans la définition de ce qu’est un investissement durable.

La SFDR précise notamment que les fonds article 9 doivent intégrer la notion de DNSH (Do no Significant Harm), c’est-à-dire que leur objet ne doit pas porter préjudice à l’un des objectifs environnementaux ou sociaux portés par la taxonomie verte.

Cette définition reste relativement vague. Chaque acteur financier pouvant en avoir sa propre interprétation.

Ainsi, l’entrée en vigueur des RTS a entraîné, fin 2022, le déclassement massif de fonds article 9 vers l’article 8.

Il a été demandé à la Commission Européenne d’apporter des précisions sur les critères de durabilité permettant de définir un fonds article 9. Néanmoins, elle a indiqué dans une lettre du 14 avril 2023 qu’elle n'apporterait pas de réponse à cette question et laisse au secteur financier la possibilité de choisir ce qu’ils considèrent eux-même comme un actif durable.

Une critique des fonds super verts

Les fonds article 9, ou Dark Green, sont au centre des attentions.

En 2022, un consortium de journalistes dont Follow the Money et Le Monde ont publié une enquête intitulée “The great green investment investigation” au cours de laquelle ils ont étudié 838 fonds super Verts sur les 1141 existants au moment de leur analyse. Ces 838 fonds représentaient alors un montant d’investissement de 619 milliards d’euros.

Ils ont pu noter que, bien que considérés comme article 9, près de la moitié d’entre eux investissaient dans les secteurs de l’aviation et des énergies fossiles, mettant à mal les critères de classification mis en place par la SFDR.

 

De même, dans une étude publiée en mars 2023, intitulée "How Green is Dark Green ?", les chercheurs en finance de l'Université de Zurich, Marc Chesney et Adrien-Paul Lambillon, ont examiné de près les fonds étiquetés "Article 9" ainsi que les entreprises qui en bénéficient. Ils remarquent que, bien que ces fonds Article 9 soient considérés comme plus durables en théorie, de nombreux actifs inclus dans cette catégorie ne le sont pas réellement.

Leurs résultats mettent en évidence le fait que les gestionnaires de fonds d'investissement semblent privilégier les grandes multinationales, capables de mobiliser d'importantes ressources pour améliorer leur “score d’écologisation” (stratégie Net Zéro, notations ESG) sans que certaines violations de principes clés du Pacte Mondial des nations Unies ou des lignes directrices de l’OCDE n'aient d’impact significatif sur ce score.

A l’inverse, les entreprises de moindre envergure, plus responsables sur le plan environnemental et social voient leur impact positif minoré et sont donc moins sollicitées.

Conclusion

Pour conclure, en instaurant la SFDR, l’Union européenne a envoyé un signal clair concernant sa volonté de développer un système de finance durable innovant. La SFDR est un instrument clef pour réorienter les investissements vers des activités ayant un impact positif sur l’environnement et la société et accélérer leur développement. Elle accompagne des outils comme la taxonomie verte ou la CSRD dans la transition européenne vers une économie durable.

Si certaines limites ont été soulignées, la Commission européenne semble en avoir pris conscience en lançant une nouvelle consultation visant, 2 ans après sa mise en œuvre, à avoir une approche critique de cette réglementation et à étudier des alternatives à la classification des différents fonds, qui est à ce jour le principal point de discorde.

Sources :

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