Faire passer son entreprise au biogaz : pourquoi et combien ça coûte ?

Faire passer son entreprise au biogaz : pourquoi et combien ça coûte ?

Transitionner sa consommation de gaz naturel pour du biogaz est un levier de décarbonation de plus en plus identifié dans les plans d'action climatique des entreprises. Qu'est-ce que le biogaz, quel est son potentiel de décarbonation et comment planifier l'impact financier d'un passage au biogaz ?

Louise Rocagel

Louise Rocagel

Climate Consultant

Mise à jour :
7/12/2023
Publication :
4/7/2023

Qu’est-ce que le biogaz et d’où provient-il ?

Le biogaz est un produit généralement issu de la dégradation de matières organiques. Qu'elles soient d'origine animale ou végétale, les matières organiques peuvent, par l'action de micro-organismes dans des conditions dites "anaérobiques" c'est-à-dire en l'absence d'oxygène, se décomposer et générer du gaz pouvant être récupéré et utiliser comme énergie de combustion.

Ce processus de dégradation, connu sous le nom de méthanisation, peut se produire naturellement dans certains milieux tels que les marais, ou être intentionnellement mis en œuvre dans des installations spécialisées appelées méthaniseurs.

Le biogaz est considéré comme une source d'énergie renouvelable car il est issu de la dégradation de matières organiques naturelles qui sont elles-mêmes renouvelables. Les biodéchets utilisés pour la production de biogaz sont à la fois les déchets dits "de cuisine et de table" (épluchures, reste de repas, produits périmés ou non-consommés), les déchets dits "verts" issus de l’entretien des parcs et jardin (tontes de pelouse, feuilles mortes, tailles d’arbustes et de haies, etc.) ainsi que les déchets issus des exploitations agricoles.

Plus de 10 millions de tonnes de biodéchets sont produites chaque année en France. Or aujourd'hui, 80% des biodéchets sont détruits alors même qu'ils pourraient être bio recyclés et servir notamment à la production d'un mix énergétique plus écologique.

Les termes biogaz et biométhane sont souvent employés sans distinction. La différence entre les deux termes réside dans la composition chimique du gaz qu'ils décrivent. Le biométhane est du méthane pur là où le biogaz est le résultat "brut" de la méthanisation. Le biogaz brut obtenu après méthanisation contient jusqu'à 75% de méthane (CH4), du dioxyde de carbone (CO2) et des traces d'azote (N2). Le biogaz peut être purifié afin d'augmenter sa concentration en méthane et obtenir du biométhane.

La production de biogaz est aujourd'hui issue de diverses filières de production, dont notamment :

•  Filière Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) : déchets organiques stockés et décomposés dans des conditions anaérobiques

•  Filière Ordures Ménagères

•  Filière Agricole et Territoriale

•  Filière STEU (Stations d’épuration)

Quel niveau de décarbonation peut offrir le passage au biogaz ?

Les risques liés au gaz naturel

Est nommé "gaz naturel" le gaz présent dans la nature depuis des millions d'années et extrait au moyen de forages dans des gisements naturels. Comme pour le biogaz, le constituant principal des gisements de gaz naturel est le méthane.

Le gaz naturel est une source d'énergie moins carbonée que le pétrole et le charbon mais il reste une énergie fossile avec des ressources disponibles limitées. Son extraction nécessite de plus des processus lourds de forage et libère du méthane et du CO2 dans l'atmosphère par le biais de fuites, dont la plupart sont dues à des défaillances d’équipement.


Le méthane étant naturellement incolore et inodore, cela complique sa détection, notamment dans le cas des fuites qui peuvent se produire au niveau des forages de gaz naturel. Ces fuites peuvent donc durer des semaines avant d'être détectées et se transformer en fuites massives de méthane, connues sous le nom de "super-émissions". C’est notamment ce qui s’est produit à l'extérieur d'une installation de stockage en 2015 à Los Angeles. Près de 100 000 tonnes de méthane se sont alors échappées dans l'atmosphère en l'espace de quatre mois[2].

Le méthane est un gaz à effet de serre et l'on considère qu'il est responsable d'environ 20 % de l'effet de serre actuel. Son "pouvoir de réchauffement global” (GWP = Global Warming Potential) est 28 fois supérieur à celui du CO2.

Pourquoi le passage au biogaz permet de réduire son empreinte carbone ?

Les compositions du biogaz et du gaz naturel sont globalement les mêmes, c’est-à-dire du méthane et du dioxyde de carbone. Le biogaz peut donc remplacer la consommation de gaz naturel dans ses différents usages : chauffage des bâtiments, génération de chaleur pour l'industrie, production d'électricité par sa combustion, carburant pour les véhicules, injection sur le réseau alimentant les ménages pour le chauffage et la cuisson, etc.

En 2021, la consommation d’énergie primaire de la France s’établit à 2 769 TWh, dont 15,5% de gaz naturel, soit 429 TWh.[1] L'ADEME estime que l'utilisation de biométhane permet un niveau de décarbonation d’environ 80%, par rapport à l'utilisation de gaz naturel.[3]

Cette réduction significative est due aux différences de processus de production entre biogaz et gaz naturel :

  • Fuites évitées : La production de biogaz plutôt que de gaz naturel permet d'éviter les fuites directes de méthane qui se produise au niveau des gisement de gaz naturel.
  • Valorisation des déchets : En utilisant des déchets comme source principale de matière première pour la méthanisation, le biogaz offre une solution de valorisation, permettant de traiter ces déchets tout en produisant de l'énergie renouvelable.
  • Émissions évitées : La valorisation des déchets et de la combustion du méthane produit naturellement dans les décharges permet d’éviter des émissions nocives. Le pouvoir réchauffant (GWP) du méthane étant 28 fois supérieur à celui du C02, la combustion du méthane avec de l'oxygène permet globalement de remplacer chaque molécule de méthane par une molécule de CO2.
    Formule simplifiée de la combustion du méthane : CH4 + 2 O2 → CO2 + 2 H2O 
  • Co-produit valorisable : En plus de la production de biogaz, le processus de méthanisation génère un co-produit appelé digestat. Le digestat est un matériau riche en éléments nutritifs qui peut être utilisé comme engrais ou amendement organique dans l'agriculture. Cela permet de valoriser davantage les déchets organiques et de favoriser une économie circulaire.
  • Cycle fermé de captation et de libération du carbone : la combustion du gaz, naturel ou bio, émet du CO2 comme vu précédemment. Or la combustion du biogaz a un plus faible impact que la combustion du gaz naturel car dans le cas du biogaz, le CO2 émit lors de sa combustion correspond à la quantité captée précédemment par les sources organiques au cours de leur croissance et dont la décomposition est l'origine de la production du biogaz. Cela constitue donc un cycle (quasi) fermé de captation et de libération du carbone. À l'inverse du gaz naturel qui lui émet lors de sa combustion du carbone stocké depuis des millions d'années, sous forme de dioxyde de carbone.
Schéma complet de fonctionnement en réseau d’un méthaniseur

Combien coûte le passage au biogaz pour une entreprise ?

Il existe globalement aujourd'hui deux pistes pour augmenter la part de biogaz dans la consommation de gaz de son activité.

La première option est celle de passer par des contrats de Garantie d’Origine. Une garantie d'origine est un document électronique servant uniquement à prouver à un consommateur final raccordé à un réseau de gaz naturel qu'une part ou une quantité déterminée de l'énergie fournie a été produite à partir de sources renouvelables. [5]

Souscrire à un contrat de Garantie d'Originie ne garantit donc pas le lieu de fabrication du gaz, mais contribue à l’injection de biogaz dans les réseaux et contribue au développement de la filière. Cette option a l'avantage de générer aucun investissement CapEx pour l'entreprise. Le coût d’une garantie d’origine pour du biogaz est d’environ 15 €/MWh. [4]

La deuxième option est celle de passer par un contrat type PPA pour Power Purchase Agreement. Un PPA est un contrat qui fonctionne sur le moyen ou le long terme (5 à 20 ans) qui est signé directement entre un producteur de biogaz et un client. Les clients qui souscrivent à un PPA s'engagent à acheter à un fournisseur d'énergie une quantité donnée de biogaz et donc à financer le développement de sites de production de biogaz. Les unités de production de biogaz peuvent être développées directement sur un site physique du client (On-Site PPA) ou non (Off-Site PPA). Les clients de PPA ont accès à une énergie verte fiable et certifiée à un tarif prédéfini et stable.

Les PPA sont donc de fait plus long à mettre en place que l’achat des Garantie d'Origine, mais contribuent très concrètement au développement d’un nouveau projet de production de biométhane et donc d'une économie bas carbone territorial, notamment en sécurisant les débouchés commerciaux du méthaniseur financé. Les PPA constituent un moyen fiable de décarboniser sa consommation d'électricité et de contribuer à la transition énergétique.

Le coût d'un PPA est variable en fonction du projet local mais s’inscrit généralement dans une fourchette allant de 50 à 150 € hTVA/MWh. [6]

Comment passer à l'action pour opérer sa transition vers le biogaz ?


De manière générale, la réflexion autour du passage au biogaz pour son entreprise doit s'inscrire dans une réflexion globale autour de la décarbonation de son activité et de la réduction de ses consommations en énergie.

Qu'il s'agisse du biogaz ou de toute autre transition énergétique, il est important de garder en tête qu’il n’existe pas de réponse unique ou prédéfinie. Il existe autant de solutions que de projets de décarbonation. La solution la plus adaptée sera donc avant tout celle qui conviendra à votre contexte (économique, stratégique, réglementaire, client, etc.).

Les grandes étapes de la décarbonation de l'activité d'une entreprise sont aujourd'hui bien connues :

Néanmoins, le passage à l'action concret et le déploiement des actions sur le terrain (comme le passage au biogaz) sont encore difficiles pour de nombreuses entreprises, notamment parce qu'elles manquent de données fiables sur l'impact financier de leurs leviers de décarbonation. Voici le détail des étapes qui permettent de passer de la construction de son plan d'action à la réalisation concrète des actions sur le terrain :

Comment modéliser financièrement un passage au biogaz ?

Prenons l'exemple d'une entreprise qui souhaiterait faire passer au biogaz l'ensemble de ses sites de production en Europe.

Afin d'entamer la planification de la transition et d'engager des discussions avec les parties prenantes détentrice des budgets nécessaires, les équipes en charge vont modéliser l'impact de cette action en basant le volet financier sur un prix théorique générique par tonne de CO2 économisée, disons 100€/tCO2e.

Des responsables locaux sont ensuite chargés de passer contrats PPA locaux en obtenant le meilleur prix possible. Il y a fort à parier que les prix varieront fortement d'un site à un autre. L'information du potentiel de décarbonation par site, combiné au prix réel des contrats de PPA permet de faire remonter au groupe des informations fiables et précises du terrain, accélérant les discussions concrètes et les prises de décision.

Chez Traace, notre plateforme est pensée pour permettre aux entreprises d'avoir ce type d'approche itérative, pragmatique et réaliste de la modélisation financière. Notre module financier permet en effet de modéliser dans un premier temps, à partir de KPIs métiers et business, l'impact financier des actions de réduction. Dans un second temps, les équipes opérationnelles locales peuvent mettre à jour pour leur périmètre les informations de prix à partir de devis réel obtenus de la part des fournisseurs. L'information est alors automatiquement centralisée et permet aux équipes en charge de la planification et du financement d'accélérer le passage à l'action.

Pour en savoir plus sur notre module financier, rendez-vous ici.

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Sources :

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